L’Argentine dansée à l’Opéra Comédie
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L’Argentine dansée à l’Opéra Comédie

Nous souhaitons inscrire la pièce dans une période allant de 1978 à aujourd’hui parce que le Mondial de foot, les évènements politiques de la junte au pouvoir, mais aussi « Kontakthof » de Pina Bausch qui fut créé en 78 (le fait que la troupe du Campagnol l’ait vu à l’époque n’est pas étranger à la genèse du « Bal »),enfin, c’est le temps de notre enfance, dans cette période où on voulait et pouvait encore tout dire. (…) Il nous appartient dans cette nouvelle pièce d’aborder l’histoire d’un pays non à partir de la grande Histoire des évènements mais plutôt de mettre en scène ce que l’histoire ne retient pas, ce qu’elle ne montre pas, ce qu’elle oublie. 

Mathilde Monnier et Alan Pauls

La pièce El Baile programmée au Festival Montpellier Danse les 25 et 26 juin signe le retour à la création de Mathilde Monnier. Les danseurs argentins sont âgés de vingt-quatre à trente-huit ans, ils n’ont pas connu la dictature mais en conservent des traces notamment par l’histoire de leurs familles et de leur pays. La chorégraphe Mathilde Monnier s’est enrichie du regard de l’écrivain argentin Alan Pauls, spécialiste de Borges et du travail sur la mémoire. Leur pièce El Baile est composée de différentes danses, rythmes, chants, émotions, elle est incarnée par une jeunesse trépidante ou apathique selon les événements qui la bouleversent. La question politique, les rapports humains, les relations hommes-femmes affleurent cette histoire de l’Argentine et les vies de chacun. Inspirée du Bal de Jean-Claude Penchenat et de sa compagnie de théâtre (1981), El Baile se situe dans une même unité de lieu qui est une salle d’un club social où se déroule un bal.

Des danseurs venus de Buenos Aires

La capitale argentine a donné naissance à la célèbre danse du tango mais sur le plateau de l’Opéra Comédie, ce sont différentes danses qui ont été interprétées jusqu’au rap et au rock. Dans ce pays, la danse tient un rôle important. Les douze danseurs ont été choisis à Buenos Aires, ils viennent de la scène contemporaine qui se caractérise par des liens interdisciplinaires entre le chant, le théâtre, la musique et les arts plastiques. Dans El Baile, les danseurs traitent de différentes thématiques et de leurs répercussions sur les corps, les mouvements, les postures, l’état d’esprit dans une traversée du temps, de 1978 à aujourd’hui. Pour cette création, Mathilde Monnier s’est rendue à plusieurs reprises à Buenos Aires, elle a découvert des danseurs engagés pour une protection du statut d’artiste. En Argentine, les danseurs enseignent ou travaillent en parallèle à leurs représentations, ils sont souvent impliqués dans une vie politique et sociale. Sur scène, ils chantent aussi car ils ne sont pas rattachés à un seul domaine artistique. En raison de leurs âges, ils n’ont pas connu directement la dictature, et ils ont fait le choix d’oublier pour mieux avancer. El Baile, c’est l’histoire d’une génération qui souhaite aller de l’avant et ne pas se retourner sur un passé difficile avec des disparus et de nombreuses victimes. Pour son travail de création, Mathilde Monnier s’est basée sur des textes, une collaboration avec Alan Pauls, des musiques et différentes danses décomposées en mouvements à partir de propositions des danseurs argentins : « Il s’agit dans un premier temps de travailler avec les histoires personnelles des danseurs comme matière première, de constituer les récits à partir de ceux écoutés ensemble, d’explorer les mythologies argentines, ce qui reste des générations perdues, des révolutions dansées. »

El Baile

La pièce est composée de thèmes comme le machisme, l’autorité militaire, le positionnement des corps, l’amnésie… Quand commence El Baile, l’Opéra Comédie est éclairé, on entend de la musique moderne argentine. Les danseuses avec des talons investissent la salle, puis les hommes, ils se jaugent, le désir et la séduction sont au rendez-vous, l’humour aussi. Les danseurs sont en tenue décontractée ou sportive. Le décor est sommaire avec deux séries de chaises qui se font face et un box-vestiaire qui deviendra boîte de nuit, des baskets trainent sur le sol. Mathilde Monnier a choisi le bal comme structure principale de la pièce : « La situation d’un bal, c’est comme un monde en soi, il se joue des choses de la société, des relations, c’est un monde clos, fermé. A travers cette structure d’un bal, on peut dire beaucoup de choses du monde sur les relations humaines, des tensions. On peut aussi dire des choses qui sont plus graves, par exemple sur les systèmes d’autorité. » Il y a un flot de musiques et de chansons en espagnol. On perçoit différentes influences, bien sûr celle de la musique moderne anglo-saxonne, mais aussi des sonorités d’Afrique. Les danseurs jouent avec leurs corps avec une énergie pétillante, on pense aux années 1980, à de la gymnastique rythmée. Certaines danses sont plus suggestives, d’autres mouvements plus distanciés ; le son de la musique augmente d’un coup. Puis, c’est le vacarme avec le bruit de mitraillettes, les hélicoptères, une tension liée à la surveillance militaire est perceptible. Les conséquences sont l’irruption de gestes plus violents avec les cheveux qui sont tirés, des têtes entravées par une jambe : on assiste à des tremblements de jambes, à des corps abasourdis et immobilisés, des attitudes de repli. Mais la fête reprend, on entend des sifflets de parades, le box accueille une soirée en discothèque. En bord de scène, les danseurs viennent se regarder et dans une certaine proximité avec le public, ils pourraient interpeller les spectateurs.

El Baile est un concentré de vie traversé par une bande-son, c’est un voyage dansé et musical en Argentine avec des danseurs talentueux, portés par un désir de renouveau. La pièce s’appuie sur des bribes de mémoire communes à celles d’un pays, elle est tantôt légère, tantôt grave ; la jeunesse l’emporte pas son envie de s’amuser et sa force créative. L’écrivain Alan Pauls se passionne pour le sujet de la mémoire que l’on peut rapprocher à la capacité de résilience : « Les Argentins oublient pour mieux recommencer. » Le regard des danseurs vers le public est parfois complice, parfois moqueur, il donne de l’intensité à la pièce dans laquelle les corps s’expriment dans différents registres. Le tango final s’élargit à plusieurs partenaires jusqu’à tous les danseurs, avant une partie de football. L’Opéra s’éclaire de nouveau, une scène d’au revoir avec des foulards rend hommage aux Mères de la place de Mai. Les danseurs quittent les lieux sous les applaudissements.

Fatma Alilate

El Baile de Mathilde Monnier et Alan Pauls

Opéra Comédie

11 Boulevard Victor Hugo – Montpellier

Pièce pour douze danseurs

Conception et chorégraphie :Mathilde Monnier et Alan Pauls

Dramaturgie : Véronique Timsit

Scénographie et costumes : Annie Tolleter

Création lumière : Eric Wurtz

Conseil musical : Sergio Pujol

Coordination ateliers : Marie Bardet

Répétitrice : Corinne Garcia

Collaboration artistique : Anne Fontanesi

Avec : Martin Gil, Lucas Lagomarsino, Samanta Leder, Pablo Lugones, AriLutzker, Carmen Pereiro Numer, Valeria Polorena, Lucia Garcia Pulles, Celia Argüello Rena, Delfina Thiel, Florencia Vecino, Daniel Wendler

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