« Festen », du cinéma-théâtre au Printemps des Comédiens
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« Festen », du cinéma-théâtre au Printemps des Comédiens

Festen revisite dans sa substance la notion du théâtre même, puisque c’est par la théâtralité d’une réception que tout se joue. Et si chaque membre de la famille doit lire un texte à toute l’assemblée pour honorer l’anniversaire de Helge (le père), c’est par le récit en public que Christian se réapproprie la vérité et interrompt la représentation – ou plus exactement la commence. Festen s’écrit comme un plan séquence dans lequel le chef opérateur traverse les murs, les fenêtres, les miroirs pour suivre le récit. Le décor est en mouvement. Une maison vivante qui permet de nous offrir des prises de vue et des travellings au plus près du jeu des acteurs, au plus près de l’histoire qui se déroule sous nos yeux.

Cyril Teste, metteur en scène

Festen de Thomas Vinterberg a été un succès du cinéma, couronné par le Prix du Jury du Festival de Cannes en 1998. Cyril Teste a proposé pour trois représentations au Printemps des Comédiens, une adaptation en s’appuyant sur des techniques filmiques projetées en direct du déroulé de la pièce. Les comédiens jouent comme si un film se tournait, mais il s’agit de théâtre. Au centre du plateau, il y a cette salle-à-manger bourgeoise et froide aux murs couleur crème. La table est mise pour le repas d’anniversaire du père de famille. Tout semble bien commencer avant qu’un secret de famille éclate en pleine figure des invités… et du public.

Un secret de famille

La lumière est éteinte au Théâtre Jean-Claude Carrière du Domaine d’O, une voix se fait entendre, elle est celle d’un homme apaisé qui a atteint une certaine maturité : « Quand on fête ses soixante ans, dit-il, on n’a plus vraiment de projet. On peut regarder en avant et en arrière. » Sur le ton de la confidence, il ajoute : « On espère que ceux qui ne sont pas invités ne viendront pas. » Le fils mal aimé, Michaël, est pourtant là, mais c’est Christian dont la jumelle Linda s’est suicidée qui va créer une détonation en révélant des faits graves comme en écho au tableau Orphée et Eurydice, approché à la loupe par une caméra. Les domestiques s’affairent, ils sont comme les spectateurs les témoins de ces retrouvailles. Au moment du discours, deux possibilités sous forme de cartons colorés s’offrent à Christian, il choisit le discours Vérité. Par l’effet caméra, il nous regarde : « Ce qui s’avérait le plus dangereux pour nous, c’était quand papa prenait son bain… » Il fait ainsi la révélation de l’inceste qui concernait Linda et lui-même. Les rires se sont arrêtés, et il continue de parler : « Il avait des rapports avec ses chers petits. » C’est dit ! Mais par cet acte courageux, Christian s’expose et se met en danger. S’il est d’abord ignoré par les membres de la famille et les autres invités, une lutte d’influences commence, elle sera acharnée. La caméra tourne, le public suit les événements par l’image et au plateau.

 

Au cœur d’un « procès »

Après cette première intervention, le père calmement demande du vin. Il nous regarde également, son visage est en gros plan sur l’écran situé au-dessus de la salle-à-manger : « Je te remercie Christian. D’une certaine manière, j’adore les discours, une fois le moment passé, ils sont oubliés. » Mais Christian se lève une nouvelle fois et raconte des détails. C’est tellement énorme que le public rit. Pourtant, le dîner reprend très vite dans une ambiance conviviale, car c’est le père soutenu par les invités qui décide du tempo. Comme Christian persiste, les pressions pour le faire taire deviennent plus violentes, des mots aux gestes. Et il devient à son tour l’accusé. En aparté, le père le menace, et si lui aussi avait des choses à dire ? A table, la mère, l’autre personnage antipathique, lui reproche son « esprit malsain et détraqué », ses symptômes. S’il est créatif, doté d’un fort imaginaire, tous ses troubles psychiques depuis l’enfance n’expliqueraient-ils pas ses inventions grotesques ? Le doute s’installe dans le public. Le visage de Christian reste pétrifié, puis il explose : elle sait tout, elle a surpris le père mais a gardé le silence ! Cette fois, les invités s’impatientent, Christian doit quitter les lieux, il est battu jusque dans une forêt. Alors que tout est perdu, il revient tard dans la nuit à la salle-à-manger, il les voit danser une farandole. En un instant, il s’empare d’une caméra et filme à son tour. Il prend ainsi le pouvoir. Le repas reprend. Il parvient à convaincre les invités, et à être tout simplement entendu mais le chemin aura été long…

Festen est une pièce riche qui traite d’un sujet difficile. Il y a une dynamique, les comédiens jouent sur différents lieux d’un même plateau, la caméra est partout, même à l’arrière des cloisons. Le spectacle est intense et complet. Le metteur en scène Cyril Teste considère que la vidéo est aussi importante que le son ou les lumières. Le public a également pu sentir certaines odeurs qui accompagnaient la scénographie (la forêt, le parfum floral de Linda lorsqu’elle apparaît…). Par tous ces procédés et langages scéniques, le spectateur est immergé dans le dispositif et dans l’intimité de cette famille. Festen procure un effet d’emprise étonnant qui capte l’attention, c’est certainement une des meilleures pièces du Festival.

Fatma Alilate

Festen de Thomas Vinterberg et Mogens Rukov

Théâtre Jean-Claude Carrière – Domaine d’O, à Montpellier

De : Thomas Vinterberg et Mogens Rukov

Adaptation théâtrale : Bo Hr. Hansen

Mise en scène : Cyril Teste

Avec : Estelle André, Vincent Berger, Hervé Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle, Danièle Léon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Gérald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep

Adaptation française : Daniel Benoin

Collaboratrices artistiques : Sandy Boizard et Marion Pellissier /

Scénographie : Valérie Grall

Illustration olfactive : Francis Kurkdjian

Conseil et création culinaires : Olivier Théron

Création florale : Fabien Joly

Création lumière : Julien Boizard

Chef opérateur : Nicolas Doremus

Cadreur : Christophe Gaultier

Montage en direct : Mehdi Toutain-Lopez ou Claire Roygnan

Compositing : Hugo Arcier

Musique originale : Nihil Bordures

Chef opérateur son : Thibault Lamy

Photos : Simon Gosselin

Production Collectif MxM | Production déléguée B

www.printempsdescomediens.com

Information, réservation billetterie : + 33 (0)4 67 63 66 66

Le Collectif MxM saisit le temps à vif. Autour des écritures théâtrales d’aujourd’hui, il invente une langue vivante, une poétique sensible qui place l’acteur au cœur d’un dispositif mêlant image, son, lumière et nouvelles technologies. Cette partition scénique de l’ici et maintenant donne à voir la fabrique de l’illusion et aiguise nos perceptions. Comment le système dans lequel nous vivons structure-t-il nos relations ? Comment les gouvernances médiatiques ou économiques influencent-elles nos émotions ? Avec les auteurs vivants, MxM fait parler le monde du travail, la famille et ses secrets, questionnant le politique par l’intime. Des récits, contes ou fantasmagories qui appellent l’imaginaire de l’adulte, de l’adolescent et de l’enfant. Dans le temps de la représentation, la fiction est interprétée, captée, manipulée et projetée. Texte, vidéo, musique, robotique et numérique, chaque langue « incomplète » isolément prend sens dans une grammaire commune et synchrone. Ni illusion ni illustration, l’image est mise en perspective de l’action : un espace-temps fictif en réaction avec le réalisme du plateau. La scénographie sonore – voix et musique mixés en live et en continu – agit tel un liant, une onde sensitive minimaliste. Une inventivité permanente au cœur du processus de création et au service du plateau.

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