« Danser Casa » par Kader Attou et Mourad Merzouki
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« Danser Casa » par Kader Attou et Mourad Merzouki

 

Mourad Merzouki : Ce qui me plaît c’est que cette danse puisse toucher tous les publics, dialoguer avec le numérique, les arts martiaux, la musique classique. J’aime bousculer le hip-hop, être à l’endroit du divertissement. Le hip-hop est partout, il est encore dans la rue. Cette danse peut interroger et rassembler.

Kader Attou : Le public se déplace pour découvrir un récit. Il y a une époque, c’était pour l’idée du surpassement, de l’énergie, une curiosité. Aujourd’hui le public vient voir ce qu’on a à dire.

Conférence, 22 juin 2018

Kader Attou (né en 1974) et Mourad Merzouki (né en 1973) sont très appréciés du public. C’est en 1993 que Montpellier Danse les a invités pour une danse hip-hop sur la Place de la Comédie. Ils sont désormais tous deux à la tête d’un Centre Chorégraphique National, sans être passés par le Conservatoire. Les deux chorégraphes se connaissent depuis l’enfance, ils ont choisi de faire de la danse leur métier et ont gravi les échelons d’une profession sélective et exigeante. Pour cette édition du Festival Montpellier Danse, ils proposent Danser Casa, pour trois représentations qui affichent complet.

Une jeunesse marocaine

Cent-quatre-vingts danseurs ont été auditionnés en décembre 2016 à l’Institut Français du Maroc. Un appel avait été lancé sur les réseaux sociaux. Mais à Casablanca, à l’heure dite… aucun jeune n’était présent, avant qu’une déferlante vienne à la rencontre de Kader Attou et Mourad Merzouki ! Les chorégraphes ont découvert des danseurs épatants et surtout ils ont vécu une belle aventure humaine. Ce qui les a enchantés, c’est de transmettre leurs connaissances du hip-hop qui « a une résonance mondiale mais des spécificités géographiques et sociales ». Ils ont choisi des talents pour leurs singularités et vu huit jeunes se transformer sur une année. Sur le plateau du Théâtre de l’Agora, ces danseurs ont offert leur vitalité au fil de différentes musiques : électronique, arabo-andalouse, proche du flamenco… Un abat-jour et quelques points de lumière éclairaient légèrement le plateau sur lequel étaient disposés des coussins brodés et colorés. Les danseurs s’expriment dans différents registres, on perçoit de la fraternité, des moments d’émotion, de la joie et même des tensions. Les mouvements d’acrobatie ou plus intimistes se succèdent pour révéler un hip-hop parfois orientalisant. Il s’agissait samedi 23 juin, de la Première d’une création qui va être présentée en Europe et dans des pays du Maghreb. Dans le contexte géopolitique difficile, les chorégraphes ont souhaité changer le regard sur le monde arabe et déconstruire les préjugés. « On a voulu être à l’écoute de ce pays qui a une jeunesse extraordinaire qui écoute du hard-rock, AC/DC. On a été surpris ! Ces jeunes sont connectés au monde. » Kader Attou et Mourad Merzouki se sont eux-mêmes émancipés par le choix de la danse.

« On a eu des parcours différents mais on s’est jamais quittés. »

Kader Attou et Mourad Merzouki sont amis depuis l’enfance. En 1984, une émission de hip-hop connaît un grand succès. Comme de nombreux adolescents, ils essaient de refaire les mouvements vus à la télévision. Ils pratiquaient aussi les arts martiaux, et on leur demandait d’imaginer des chorégraphies de combat : « La notion de chorégraphie s’est inscrite à ce moment-là, il fallait une mise en scène », a expliqué Kader Attou pendant la conférence pour son spectacle de la Saison dernière. Avec des copains, ils ont recherché des lieux où s’entrainer. A Saint-Priest, près de Lyon, où ils vivaient il y avait un gymnase aux fenêtres battantes : « On a commencé à s’entrainer dans le noir. Il y avait des barres fixes. Puis les vestiaires ont été allumés. Le concierge est entré un soir à 22 heures. Moment d’effroi. Il nous a simplement dit : « Ça va ? Pensez à refermer derrière vous. » Kader Attou et Mourad Merzouki ont été soutenus notamment par un animateur, mais il leur a fallu beaucoup de patience pour franchir les obstacles. En 1993, la danse devient un projet de vie, et ils viennent au Festival Montpellier Danse. 1994 est une autre année cruciale avec un séjour bouleversant dans les camps pour déplacés de Zagreb, dans l’ancienne Yougoslavie en guerre : « La danse nous permettait de traverser les frontières. C’était une expérience forte. En rentrant, on pleurait. C’est un moment très intense qui a fait sens dans nos parcours. »

Kader Attou et Mourad Merzouki sont des personnes généreuses et intéressantes. Ils restent attachés à leurs origines populaires même s’il y a des regrets, car il y avait davantage d’ouverture et de tolérance dans les quartiers. Pour leurs créations, ils établissent des liens constants avec la rue où est né le hip-hop. Danser Casa leur permet de travailler de nouveau ensemble avec une jeunesse qui essaie de s’en sortir et ne se laisse pas enfermer dans des cases. Pour les chorégraphes, Danser Casa est également une réponse aux préjugés sur le monde arabe. Ce projet artistique les a enthousiasmés : « C’est une aventure artistique humaine. Ce sont de belles rencontres. Notre histoire a été façonnée de rencontres. C’est ça qui nous plaît et ça n’a pas de prix. » Au Théâtre de L’Agora, l’énergie créatrice et talentueuse des jeunes danseurs a été très applaudie.

Fatma Alilate

Danser Casa

Théâtre de L’Agora, Montpellier

Création

Direction artistique et chorégraphie Kader Attou et Mourad Merzouki

Avec Ayoub Abekkane, Mossab Belhajali, Yassine El Moussaoui, Oussama El Yousfi, Aymen Fikri, Stella Keys, Hatim Laamarti, Ahmed Samoud

Assistants des chorégraphes Virgile Dagneaux et Christophe Gellon

Lumières Madjid Hakimi / Costumes Emilie Carpentier

Production déléguée : Etat d’esprit Productions Coproduction : Festival Montpellier Danse 2018, Fondation Touria et Abdelaziz Tazi, Casa events et animations, Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-deMarne, Centre chorégraphique national de La Rochelle, Théâtre du Vellein, CAPI – Villefontaine – Théâtre de Chartres, Etat d’esprit Productions, l’Aparté Avec le soutien de l’Institut Français du Maroc

Jusqu’au lundi 25 juin 2018 à 22 heures

Tarifs : Plein 35€ / Réduit 28€ / Agora 25€

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