« La Périchole », un opéra-bouffe très applaudi au Festival Radio France
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« La Périchole », un opéra-bouffe très applaudi au Festival Radio France

 

Offenbach est le prince de la musique légère comme Rossini, Strauss, mais avec ce parfum prussien, allemand et tellement français marqué par un style aux racines germaniques. Il a passé la plus grande partie de sa vie en France. Son orchestration est très légère, très raffinée. Il emploie les instruments à vent, un peu comme Mozart. Et puis il y a sa science pour écrire les voix – il fait ressortir des phrases, des mots importants – qui sont aussi jouées avec la personnalité vocale des rôles, et ça c’est la marque des génies.

Marc Minkowski, Chef d’orchestre – entretien pour le Festival de Salzbourg

 

 

La Périchole (1868) est un opéra-bouffe du célèbre Jacques Offenbach (1819-1880). Pour le Festival Radio France, c’est la version définitive de 1874 qui a été proposée, la « plus aboutie avec un acte ajouté où l’on retrouve le pauvre Piquillo jeté en prison et délivré par sa chère Périchole ». Le chef d’orchestre Marc Minkowski était à la direction des Musiciens du Louvre, orchestre qu’il a fondé en 1982 mais dont c’était la première venue au Festival. Ils ont été accompagnés par le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux, et par de jeunes talents du chant français qui ont impressionné le public : Aude Extrémo, Philippe Talbot et Alexandre Duhamel dans les rôles-titres. Sur le plateau de l’Opéra Berlioz, nous n’avons pas assisté à une présentation classique d’un opéra en version de concert. Toute une mise en mouvement a créé une dynamique et aucun des chanteurs n’est resté sagement immobile devant son pupitre !

 

 

Un opéra-bouffe très apprécié

Le livret de La Périchole signé Ludovic Halévy et Henri Meilhac est très fin avec des jeux humoristiques sur les situations et la langue. À Lima, le Vice-Roi du Pérou sort s’encanailler incognito auprès du peuple : Si tout le monde est gai, c’est que ça va bien… Deux chanteurs des rues, la Périchole et son amant Piquillo ne parviennent pas à gagner une seule pièce de monnaie. Pour fuir la faim qui l’assomme et l’obsède, la Périchole s’est endormie. Alors que Piquillo s’est éloigné, le Vice-Roi déguisé en robe de chambre léopard – mais reconnu de tous ! – lui propose de devenir dame d’honneur… Piquillo continue en vain sa quête, de mauvaise humeur, il finit par hurler sur le chef d’orchestre : Eh bien, mais… nous sommes  chanteurs… alors… allons chanter autre part, puisqu’ici on ne nous a rien donné ! Plusieurs tableaux se succèdent pour des éclats de rire musicaux. Le plateau s’anime avec les différents personnages – la présence gaie des cousines qui servent à boire et rient des situations, le Vice-Roi qui n’hésite pas à se jeter au sol. Nous assistons au mariage de la favorite, car pour être dame d’honneur, elle doit être mariée. Comme la Périchole a beaucoup bu à ce mariage improvisé et imposé avec… son compagnon choisi au hasard, elle prend la place du chef d’orchestre : Ah ! quel dîner je viens de faire ! Et quel vin extraordinaire ! J’en ai tant bu !… mais tant tant tant, Que je crois bien que maintenant Je suis un peu grise. Les musiciens ne sont pas au bout de leur surprise, et à des sons insolites, le visage de l’un d’eux s’agite. Au-delà du rire, La Périchole révèle une dimension satirique, car Offenbach a dénoncé les fastes et ombres de son époque.

 

Une parodie du Second Empire

L’œuvre a été créée à la fin du Second Empire (1852-1870). Cette période a longtemps été discréditée, elle est associée aux nombreuses fêtes impériales et surtout à l’humiliante défaite de 1870 contre la Prusse. Dès la Troisième République, on s’est moqué des célébrations en grande pompe, des tourbillons futiles et mondains. Le compositeur Offenbach proche de Napoléon III qui l’a aidé, a fait partie de ce monde. « Si on a perdu la guerre, c’est à cause de ce Monsieur Offenbach ! », a-t-on même dit. Ce fin observateur, par ses œuvres « légères », s’est pourtant montré critique. La Périchole joue sur la dérision, l’ironie, c’est une satire du pouvoir. Pour la scène de l’incognito ou de la prison, le Vice-Roi est déguisé – tout est comédie, apparence. Offenbach raillait son temps et les mœurs superficielles. Pendant le Carnaval, l’Impératrice Eugénie aimait se déguiser, la comtesse de Castiglione organisait des bals costumés. Bien avant le selfie, c’est la grande mode des portraits comme l’a montré l’exposition du Musée d’Orsay Spectaculaire Second Empire. Cette période foisonnante – littérature, peinture moderne, théâtres, naissance de la photographie, architecture – est considérée comme l’ancêtre de notre société de consommation et du monde du spectacle. La Périchole est un des « portraits » du Second Empire signés du grand compositeur. Le plateau de l’Opéra Berlioz a accueilli cet opéra-fête, ses rires moqueurs, les mots d’esprit. Dans cette version de concert renouvelée à l’humour décalé, les chanteurs se sont mêlés aux musiciens, pour le plus grand plaisir des spectateurs.

 

 

La musique d’Offenbach est belle et inventive. Tous les chanteurs-comédiens ont été dans la générosité, ils avaient une jolie voix – ils ont été applaudis à plusieurs reprises. Le baryton Alexandre Duhamel – le Vice-Roi – est excellent, Aude Extrémo et Philippe Talbot forment un couple détonnant. Dans La Périchole, les éclats de rire côtoient aussi l’émotion avec les sentiments de tendresse de l’héroïne et le thème de la faim peu traité dans l’art lyrique. Il y avait une entente sur le plateau entre les musiciens, les artistes que l’on sentait complices dans cette mise en espace pétillante et étonnante signée Romain Gilbert. Sous les applaudissements, Marc Minkowski a confié au public son émotion de revenir au Festival Radio France, sa dernière venue datait de 2002. Il est un chef d’orchestre passionné qui participe à l’évolution de la musique.

Fatma Alilate

La Périchole (Version 1874) de Jacques Offenbach

Opéra Berlioz – Le Corum, Montpellier

Opéra-bouffe en 3 actes

Livret de Ludovic Halévy et Henri Meilhac

Aude Extrémo, mezzo-soprano  La Périchole

Philippe Talbot, ténor  Piquillo

Alexandre Duhamel, baryton  Don Andrès, Vice-Roi

Éric Huchet, ténor  Don Miguel de Panatellas

Romain Dayez, baryton-basse  Don Pedros de Hinoyosa

Enguerrand de Hys, ténor  Notaire 1, Le Marquis

François Pardailhé, ténor  Notaire 2

Olivia Doray, soprano  Cousine Guadalena, Dame d’honneur Manuelita

Julie Pasturaud, mezzo-soprano  Cousine Berginella, Dame d’honneur Frasquinella

Mélodie Ruvio, contralto  Cousine Mastrilla, Dame d’honneur Ninetta

Adriana Bignagni Lesca, alto  Dame d’honneur Brambilla

Mise en espace Romain Gilbert

Chef assistant et Chef de chant Alphonse Cemin

Chef de chœur Salvatore Caputo

Chœur de l’Opéra National de Bordeaux 

Les Musiciens du Louvre

Marc Minkowski, direction

Mercredi 11 juillet 2018

Programme Festival Radio France Occitanie Montpellier : www.lefestival.eu

Information, réservation : +33 (0)4 67 02 02 01

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