Joseph Joffo revient à la Comédie du Livre
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Joseph Joffo revient à la Comédie du Livre

« Je n’aime pas parler de moi, je préfère qu’on le fasse pour moi. »

 

Jospeh Joffo revient à la Comédie du Livre

Lors de cette Comédie du Livre, un stand fait l’unanimité auprès des passants : celui de Joseph Joffo. Le  regard bleu électrique de l’auteur s’illumine au contact des lecteurs, au contact de la jeunesse, au contact d’Elora. La jeune fille, élève de 4e au collège Saint-François Régis, est venue revoir l’écrivain qui est intervenu dans sa classe quelques jours plus tôt. Et repart avec sa trilogie et une dédicace personnalisée.

A 79 ans, l’auteur d’un Sac de Billes n’a rien perdu de sa superbe mais avoue ne pas aimer se livrer. C’est donc un cadeau exceptionnel que cette interview. Rencontre avec une personnalité incontournable du paysage français et de la Comédie  du Livre.

1. Vous êtes né à Paris, en 1931. Vous avez fui la capitale avec votre frère en 1941. Vous avez donc connu la Seconde Guerre Mondiale. Pourquoi n’en parler que trente ans plus tard ?

Il faut du recul pour écrire en toute objectivité. Il faut prendre le temps de réfléchir. Pour guérir, il existe deux moyens : écrire ou aller voir un psy. Et entre deux « mals », j’ai choisi le moindre : écrire.

2. Qu’est-ce qui vous a poussé à continuer par la suite ?

J’écris tant que tout n’aura pas été dit.

3. Pensez-vous que tout peut être dit ?

C’est au public de décider si tout peut être dit, le meilleur comme le pire.

4. Pour nos générations, vous êtes un exemple. Nous avons tous lu Un sac de Billes au collège. Ca vous fait quoi d’être un modèle ?
 
Un modèle est un bien grand mot. Je ne veux surtout pas être un maître. Regardez, les allemands ont pris Hitler comme modèle, et l’ont accepté comme maître… Et je ne comprends toujours pas ce succès. J’ai d’abord été refusé dans quinze maisons d’édition, avant d’être vendu à 22 millions d’exemplaires. Je pensais être l’homme d’un seul livre. Ce sont mes lecteurs qui ont fait de moi un écrivain.

5. Est-ce que vous pensez aujourd’hui que le devoir de mémoire est important ? Qu’il est nécessaire de parler d’une histoire qui n’intéresse plus les jeunes maintenant ?

Le devoir de mémoire est important, mais celui d’éducation l’est encore plus. Il passe bien sur par les parents mais aussi par les professeurs, surtout les professeurs de français. Ils doivent apprendre aux jeunes à être à l’écoute, et à mieux comprendre l’autre.

C’est pour ça que je vais dans les écoles.
 
6. Est-ce que vous continuerez dans les années à venir à intervenir dans les écoles pour raconter votre histoire ?
 
C’est fatiguant mais je continuerai. Car ma présence permet de conforter les professeurs dans l’idée de faire étudier les livres de la mémoire à leurs élèves. Sachez que mon livre est au programme dans plusieurs établissements et même au programme du doctorat d’une université italienne.
 

7. Malgré votre succès, vous ne vous considérez pas comme un grand auteur de littérature. Pourquoi ?

Il n’y a pas de grands auteurs. Il n’y a que de grands lecteurs. Un auteur est égoïste, il écrit pour lui, pour se faire plaisir. Et puis, de merveilleux écrivains restent dans l’ombre et sont parfois meilleurs que ceux qui sont célèbres. Hier, j’ai découvert Suzanne Aurbach, une femme formidable, qui a écrit un recueil sur la Shoah. C’est sublime… Pourtant  personne ne la connait.

Joseph Joffo revient à la Comédie du Livre

8. Votre dernier ouvrage, Bashert, est l’histoire d’un village polonais, envahi par l’armée allemande. Pourquoi ce choix ?
 
C’est en 1940. Le village est encerclé par les tanks allemands, et composé à 95 % de juifs. Ils savent qu’ils sont condamnés à mourir. Et moi je retrace la conversation entre un vieil homme et un jeune de vingt ans, qu’un survivant m’a raconté il y a trente ans. C’est d’ailleurs pour ça que je réponds, lorsqu’on me demande combien de temps j’ai mis à l’écrire : trente ans de réflexion, trois heures d’écriture.

9. La rumeur veut que vous écriviez sur un cahier d’écolier. Avez-vous pensé à vous mettre aux nouvelles technologies ?

Non. J’écris sans rature sur un cahier à carreaux. J’ai ainsi l’impression de jouer à l’écrivain. Puis je donne mon texte à l’éditeur qui en fait un livre.

10. Votre bibliographie est riche : vous écrivez un livre tous les un ou deux ans puis prenez une pause de cinq ans…

Je n’ai pas de rythme d’écriture précis. J’écris quand je le veux. Et je vais vous avouer un secret : quand je n’écris pas, je taille mes rosiers en Touraine.

11.  Vous n’en êtes pas resté aux livres. Vous avez récemment participé au film « le Portrait ». ..

J’ai été ravi de collaborer avec des personnes aussi douées que Stéphane Maggiani et Olivier Vidal. Le film a d’ailleurs été diffusé lors de la cérémonie de Cannes. C’est l’histoire d’un petit fils qui retrouve la maison de son grand-père, d’un jeune homme qui retrouve pour Joseph Orovitz, écrivain de quatre vingt ans que j’interprète, le château où il pourra se ressourcer. Je – Joseph Orovitz- revis alors les épisodes tragiques du passé en retrouvant des photographies dans une vieille malle. Les dernières phrases du film sont de moi. « Regarde la première étoile est dans le ciel. C’est vendredi soir, c’est Shabbat. Tu peux pleurer tous les jours de la semaine. Mais pas ce soir, c’est Shabbat ». Il paraît que ce sont les plus émouvantes du film.

12. Dernière question : vous continuez à coiffer vos amis pour le plaisir ?

Je dois être le seul écrivain de la profession qui sait couper les cheveux. Mais pas en quatre ! Je suis un peu comme Sacha Guitry, qui pensait que l’essentiel, c’est que l’on parle de vous. En bien ou en mal.

 

Propos recueillis par Céline Picard et Blandine Escaffre

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